L’église Saint-Pierre est située au niveau du 36 rue Magenta à Laval.
Elle est habituellement ouverte tous les jours de 8h à 18h.
Histoire de l’église
Construite en deux étapes, 1900 pour la nef et 1960 pour le chœur-transept, l’église Saint-Pierre à Laval nous plonge dans l’histoire du XXe siècle à travers ses dimensions religieuse, politique et artistique.
Un besoin pastoral dans un nouveau quartier
La croissance urbaine de Laval au XIXe siècle fait apparaître la nécessité de construire une nouvelle église sur la rive gauche de la Mayenne. La percée d’une nouvelle traverse routière, dont la rue de la Paix constitue le principal tronçon sur la rive gauche, l’essor de la filature de Bootz, puis la mise en service de la gare ferroviaire en 1855 étendent l’agglomération lavalloise vers le nord-est ; le lotissement du quartier situé entre la gare et la Mayenne s’effectue pendant la seconde moitié du XIXe siècle. Cette extension urbaine a justifié dès 1863 le transfert à la commune de Laval de la portion de Changé urbanisée en continuité du chef-lieu du département. La gare des chemins de fer départementaux, dite aussi gare des tramways, mise en service en 1900, renforce encore l’attraction du quartier.
Comme la rive gauche de Laval, sauf Thévalles, appartient à Saint-Vénérand, cette paroisse est à la fin du XIXe siècle la plus peuplée de Laval, avec 11 600 âmes, loin devant Notre-Dame (des Cordeliers) avec 7 500, la Trinité (Cathédrale) avec 5 800 et Avesnières qui n’en regroupe que 4 000. La construction en 1870 de deux basses-nefs agrandissant l’église de Saint-Vénérand permet certes d’accueillir un plus grand nombre de fidèles mais ne répond pas à toutes les attentes, à une époque où on est attaché à la vie de son quartier. De plus, l’implantation d’une nouvelle église doit être le signe d’une présence catholique près de la gare et de Bootz, où vivent de nombreux ouvriers et des employés de chemin de fer, dont nombre d’entre eux sont détachés de toute pratique religieuse.
L’essor de ce quartier nord-est de Laval conduit le premier évêque du diocèse, Mgr Wicart, à envisager dès 1874 la construction d’une église dans le quartier de la gare ; l’opposition de M. Gérault, curé de Saint-Vénérand, est si vive que l’évêque n’insiste pas. L’affaire traîne jusqu’à l’arrivée de Mgr Geay à Laval en 1896.
Mgr Geay face au projet concurrent de l’Immaculée Conception
Quand il était curé de Sainte-Anne-du-Sacré-Cœur à Lyon, une paroisse ouvrière regroupant 13 000 habitants, l’abbé Geay l’a divisée en fondant Notre-Dame de Bellecombe. Sa démarche est appréciée puisqu’il est ensuite nommé curé de la primatiale Saint-Jean à Lyon. En arrivant à Laval, le nouvel évêque se promet de réaliser le projet de Mgr Wicart : créer une paroisse dans le nouveau quartier de la gare et de Bootz.
Beaucoup d’obstacles doivent être surmontés : le coût de la construction d’une église, les réticences probables de la paroisse Saint-Vénérand, les contraintes administratives imposées par le concordat de 1801. Mais la difficulté majeure réside dans une opposition farouche dont le foyer est l’Institution libre de l’Immaculée Conception.
Aux côtés de l’abbé Blu, le directeur de cette institution scolaire, se trouve un prêtre dynamique, le supérieur, l’abbé Hamelin, de la congrégation des pères de Pontigny. La chapelle néo-gothique construite en 1876 est trop petite pour les 300 élèves d’autant qu’elle est ouverte au public, c’est-à-dire que des catholiques peuvent, le dimanche, pour des raisons de proximité ou de sensibilité politico-religieuse, s’y rendre pour assister à la messe. De plus, les familles qui font confiance au père Hamelin et qui fréquentent la chapelle de son établissement sont majoritairement conservatrices ; leurs convictions politiques royalistes divergent fondamentalement de celles de Mgr Geay, favorable au ralliement à la République, orientation conseillée aux catholiques français par le pape Léon XIII en 1892.
Les ambitions du père Hamelin se dévoilent quand il entreprend en 1897 la construction d’une nouvelle chapelle dont les dimensions dépassent les besoins d’un établissement scolaire, même en essor ; on devine que l’idée du supérieur de l’Immaculée Conception est d’y accueillir de nombreux fidèles mayennais ayant la même sensibilité que lui ; la grande chapelle de l’Immaculée Conception pourrait même devenir une église de secours pour le nouveau quartier, voire sous certaines conditions une église paroissiale ; il mettrait ainsi en difficulté Mgr Geay dans son projet de construire une nouvelle église dans le nord-est de Laval .
Dès lors, un rude conflit oppose Mgr Geay et le père Hamelin ; s’affrontent alors des sensibilités religieuses, des forces politiques, des intérêts socio-économiques et des tempéraments. On attaque la personne de Mgr Geay. Cette agitation, qui tourne parfois au scandale, illustre le climat exécrable qui règne alors dans le diocèse. Malgré les difficultés, l’évêque de Laval parvient en deux ans, de 1898 à 1900, à construire l’église Saint-Pierre. Au-delà de la dimension pastorale, il y voit l’occasion d’affermir son autorité et d’inscrire son pouvoir dans la pierre.
L’église Saint-Pierre : un projet monumental
L’emplacement de la future église, qui s’appellera Saint-Pierre en référence à la papauté mais aussi probablement au prénom de Mgr Geay – Pierre-Joseph – est un rectangle entre la rue de l’Alma et la rue Magenta, à environ deux cents mètres de la gare, en bordure d’une rue passagère. Les transactions commerciales ne rencontrent aucun obstacle et la localisation semble convenir à tous.
En l’absence de subvention publique de la part de l’État et de la ville, le financement est seulement privé. Le montage est le suivant : une société civile constituée par quelques prêtres et quelques laïcs achète le foncier ; la construction du bâtiment est financée par l’évêché, au moyen d’un legs fait en 1876 par madame Sosson, une habitante du quartier de Bootz. ; on compte sur la générosité des fidèles pour équiper et embellir l’église.
L’architecte de l’église Saint-Pierre est Eugène Hawke qui a tracé les plans de nombreuses églises en Mayenne dont la basilique de Pontmain, et qui est considéré alors comme une référence locale en matière d’édifices religieux ; son matériau de prédilection est le granite ; le maître d’œuvre est l’entrepreneur Brisard, habitant Argentré. Curieusement Hawke et Brisard conduisent parallèlement les travaux du projet concurrent, la nouvelle chapelle de l’Immaculée Conception.
L’édifice prévu a des dimensions impressionnantes : une longueur d’environ 50 mètres, une nef large de 12 mères et un clocher culminant à 45 mètres. La façade présente deux niveaux à trois baies surmontés d’un fronton triangulaire ; elle est encadrée de deux tours légères à section carrée puis octogonale surmontées d’un clocheton couvert d’écailles, à la manière de certaines églises médiévales du Poitou et du Périgord ; ces tours sont reliées par une galerie. L’ensemble est sobre et équilibré. À l’intérieur, la nef comprend quatre arcades plein cintre ; elles sont aveugles au premier niveau et éclairées au second ; des piliers massifs sont prolongés par de puissantes arêtes qui supportent des voûtes élevées.
Le plan est en croix latine ; une nef unique accueille les fidèles. L’originalité réside dans le clocher ; il est décalé par rapport à l’axe de la nef et une tour supporte ce que La Semaine Religieuse du 14 avril 1900 appelle un « magnifique campanile » en forme de coupole étroite, assez proche de celui de Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée, achevé quelques années auparavant.
On parle d’une église romano-byzantine ; il s’agit en réalité d’une variante de ce style mieux représenté à Laval par la chapelle Saint-Julien construite à la même époque par Léopold Ridel.
10 avril 1900 : bénédiction de l’église Saint-Pierre
Pour Mgr Geay, la création de la paroisse Saint-Pierre est une priorité. À la fin de l’année 1898, des messes sont célébrées le dimanche dans un bâtiment aménagé en chapelle provisoire. Dès que la nef de l’édifice est achevée, on estime qu’il est possible d’en faire une église paroissiale. On apporte deux explications : prendre de vitesse le chantier de la chapelle de l’Immaculée Conception et le manque d’argent pour achever la construction de l’église Saint-Pierre selon le projet initial. Le transept, le chœur et le clocher prévus par Hawke ne seront jamais construits. Une fabrique devient propriétaire d’une partie du terrain de la société Saint-Pierre ainsi que de l’église.
En vertu du régime concordataire, la création de la paroisse Saint-Pierre se fait en deux temps. Un décret du ministère de l’Intérieur et des Cultes, daté du 19 janvier 1900 précède la création épiscopale de la paroisse Saint-Pierre à Laval. Il s’agit administrativement d’une chapelle paroissiale, non d’une cure ou d’une succursale ; ce n’est pas l’État mais l’évêché qui assure le traitement du prêtre qu’on appelle curé.
Le 16 avril 1900, l’abbé Brodin est installé curé de la paroisse Saint-Pierre par M. Barré, curé-archiprêtre de la Cathédrale, en présence de Mgr Geay ; c’est un ancien vicaire de Saint-Vénérand qui a dirigé le patronage de Saint-Louis-de-Gonzague et qui a le contact facile ; il est un prêtre dévoué et travailleur ; il dispose d’un capital de sympathie qui facilite sa tâche en désamorçant les oppositions et les rancœurs. La presse n’évoque pas ses relations avec son confrère de Saint-Vénérand, l’abbé Huignard.
Les débuts de la nouvelle paroisse
Le curé et les laïcs financent les travaux d’équipement et la décoration de l’église Saint-Pierre. La fabrique assure le pavage, construit une tribune, installe des appareils à gaz pour l’éclairage et répare dès 1903 la cloison provisoire qui ferme l’église. L’installation de cloches contribue à renforcer l’ancrage de l’église Saint-Pierre dans le quartier de la gare et de Bootz.. Quatre cloches arrivent de Nancy en juillet 1900 et sont installées en septembre dans un beffroi provisoire de 11 mètres situé derrière l’église, en attendant l’achèvement des travaux de l’édifice. Le 23 octobre 1904, l’orgue de Saint-Pierre est inauguré ; il a été donné à la fabrique paroissiale par les religieuses de Haute-Follis et remis en état par la maison Debierre à Nantes.
Le petit sacre, le deuxième dimanche de la Fête-Dieu, marqué par une procession dans chaque paroisse, est l’occasion pour le clergé et les fidèles de manifester le dynamisme de leur communauté.
Le Journal La Mayenne, dans son édition du 26 juin 1906, décrit ainsi ce grand événement : « La procession de Saint-Pierre s’est mise en marche à 9 h.1/2, rehaussée par le concours de l’excellente harmonie du Collège de l’Immaculée Conception.
M. Brodin portait le Saint-Sacrement.
Le premier reposoir, très frais et très élégant, consacré à Jeanne d’Arc, était sous la vérandah du collège de l’Immaculée Conception ; le second, rue de la Paix, très gracieux, comme toujours, chez Mlle Camus [fille du premier président de la fabrique de Saint-Pierre, Alfred Camus, 51, rue de la Paix, décédé en 1903] ; le troisième occupait la nouvelle cour de la gare des chemins de fer de l’Ouest ; il était vraiment remarquable, et les dessins de son parterre, avec la devise Dieu et Patrie, et surtout la locomotive Ouest [de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest], ont obtenu l’assentiment général ».
A partir de 1902, la rue de la Paix est parcourue par les processions des deux paroisses, le reposoir de droite étant pour Saint-Vénérand et celui de gauche pour Saint-Pierre.
Le taux de pratique religieuse dans la paroisse Saint-Pierre donne lieu à une polémique dans la presse. Les adversaires de Mgr Geay ironisent sur le bienfait pastoral de la création de la paroisse Saint-Pierre ; la composition sociologique des quartiers de la gare et de Bootz peut expliquer une affluence relativement faible aux offices. Cependant, la paroisse apparaît dynamique ; on parle souvent dans la presse de son patronage et de sa chorale. En 1902, le curé fait imprimer des images du Sacré-Cœur et les distribue lui-même dans toutes les maisons. Lorsqu’il ne peut voir les familles, il laisse une carte rédigée ainsi :
« L’abbé V. Brodin
Curé de Saint-Pierre
Visite actuellement sa paroisse et regrette bien vivement de ne vous avoir pas rencontré. Il aurait été heureux de vous voir, vous et votre famille, et de vous assurer de tout son dévouement. Il espère que vous serez fidèle à Saint-Pierre, et que vous viendrez assister aux offices de la Paroisse dans votre belle église ».
Après l’inventaire de 1906, en l’absence d’association cultuelle, l’église Saint-Pierre possédée par la fabrique devient propriété de la commune de Laval.
1960 : agrandissement de l’église Saint-Pierre
Depuis 1900, on a l’ambition d’achever l’église Saint-Pierre qui se limite à la façade et à la nef du projet de Hawke. La croissance démographique de Laval se traduit à la fin des années 1950 par un doublement du nombre des habitants de la paroisse par rapport à 1900 ; le lieu de culte de la paroisse est trop petit pour accueillir l’afflux des fidèles. Le curé, Paul Poulain, soutenu par Mgr Rousseau, évêque de Laval, entreprend d’agrandir l’église Saint-Pierre en l’allongeant d’un chœur-transept.
Par la délibération de son conseil municipal en date du 12 avril 1957, la ville de Laval, propriétaire du site, permet l’extension de l’église Saint-Pierre par l’intermédiaire d’un bail emphytéotique de 99 ans, c’est-à-dire que la paroisse – plus exactement l’association diocésaine de Laval qui gère ses finances – peut, sans verser de loyer, construire un bâtiment qui reviendra au propriétaire à l’expiration du bail.
Une autre décision de la ville de Laval en 1958 permet à la municipalité de participer financièrement à la construction d’une nouvelle sacristie en compensation de la suppression de l’ancienne qui était un appentis derrière le pignon du fond de l’église.
Si le père Poulain apparaît comme le second fondateur de l’église saint-Pierre, Pierre Vago en est le second architecte ; il est connu pour être l’architecte de la basilique saint Pie X à Lourdes. À Saint-Pierre, il travaille dans un contexte qui a bien changé depuis 1900 ; il est impossible, au point de vue financier comme au point de vue esthétique, de reprendre le projet de Hawke. En soixante ans, on passe de l’imitation des styles passés au modernisme architectural ; au granite succède le béton.
L’agrandissement de l’église Saint-Pierre respecte les lignes orthogonales ; c’est un carré privilégiant l’espace et la luminosité, couvert par une terrasse, supportée par huit colonnes à section rectangulaire situées près du pourtour. Les parois latérales sont ajourées à la façon d’une gigantesque dentelle de béton qui laisse pénétrer la lumière. Les espaces vides sont occupées par environ cinq mille petits vitraux dont certains motifs reproduisent la clé et le poisson de Saint-Pierre. Le nouvel autel en pierre blanche est simple. La disposition générale de l’agrandissement donne la priorité à la visibilité pour une bonne participation des fidèles aux offices. On ne construit pas de clocher.
L’autel est consacré le vendredi 28 octobre 1960 par l’évêque-coadjuteur, Mgr Guilhem ; le dimanche 30 octobre, c’est l’évêque, Mgr Rousseau, qui inaugure ce nouvel édifice qui peut accueillir plus de 900 personnes. Une grande kermesse rassemble les fidèles et les amis de la paroisse ; les bénéfices contribuent partiellement au financement des travaux.
1963 : mettre en harmonie les deux parties de l’église
Deux périodes, deux architectes, deux styles : l’église Saint-Pierre est achevée en 1960. Mais il apparaît alors nécessaire d’harmoniser les deux parties de l’édifice pour en faire une église accueillante et fonctionnelle. C’est l’objectif des travaux effectués en 1963. Dans la partie 1900, un plafond en béton coupe en hauteur la nef, au niveau de la toiture en terrasse de la partie neuve. Le volume est verticalement unifié, la nef s’élargissant dans le chœur-transept ; le chauffage s’en trouve aussi facilité. Cependant, alors que l’intérieur de l’ancienne église Saint-Pierre était haut et bien éclairé, la nouvelle nef est basse et sombre malgré des pavés de verre qui apportent un peu de clarté.
La même année, d’autres transformations donnent à l’église Saint-Pierre son aspect actuel. Pour protéger de l’extérieur le lieu de prières, un narthex, sorte de vestibule, est aménagé avant l’entrée dans la nef ; on y édifie à droite un baptistère. Dans la nef de la partie ancienne, le sol est légèrement incliné pour permettre une meilleure visibilité. La simplicité va jusqu’au dépouillement ; l’enduit à faux joints qui recouvrait les murs de la nef est enlevé pour faire apparaître les pierres ; le gris du granit et du béton fait ressortir le blanc de l’autel. Pendant plusieurs années, la seule statue présente dans l’église était celle de Notre-Dame de Pontmain.
En 1998, Saint-Pierre et Saint-Vénérand sont réunies pour former la nouvelle paroisse Saint-Pierre-Saint-Vénérand. Depuis cette date, quelques modifications : deux statues sont placées dans le chœur, le Christ Sauveur pour fêter le deuxième millénaire et une Vierge à l’Enfant alors que le baptistère ramené dans le chœur est remplacé à l’entrée par une statue de Notre-Dame de Pontmain. Un podium en bois facilite la circulation autour de l’autel.